23.9.2020

Grégoire Baur

 

Nenad Stojanovic se dit lui-même étonné. Ce professeur de sciences politiques à l’Université de Genève ne s’attendait pas à ce que son projet pilote de démocratie participative, mené à Sion d’août 2019 à février dernier, ait un écho aussi important en Suisse. Du canton de Genève à celui d’Argovie, en passant par Nyon ou Bienne, nombreuses sont les autorités qui lui ont fait part de leur intérêt à mettre en place des expériences similaires.

 

Le concept du projet Demoscan est simple: des «citoyens ordinaires» informent leurs semblables dans le cadre d’une campagne de votation. Un panel représentatif de la population est tiré au sort et, après avoir pu entendre des experts, mais aussi des partisans et des opposants de l’objet soumis à votation, il rédige un rapport, qui est envoyé parallèlement au matériel de vote.

Des résultats «très encourageants»

A Sion, 20 personnes ont pris part à l’expérience, dans le cadre de la votation, en février dernier, sur l’initiative populaire «Davantage de logements abordables». «L’objectif du projet pilote était de voir dans quelle mesure une information citoyenne pouvait inciter les gens à voter, et quel degré de confiance ces derniers accordaient à un panel tiré au sort. Les résultats sont très encourageants», se réjouit Nenad Stojanovic.

 

Alors qu’il est traditionnellement plus bas, le taux de participation des Sédunois, sur cet objet, s’est révélé légèrement supérieur à la moyenne cantonale. La confiance accordée au panel par les votants est supérieure à celle qu’ils ont envers le parlement fédéral. Enfin, le rapport citoyen est la deuxième source d’information consultée par les votants, derrière la brochure officielle du Conseil fédéral, mais devant les médias ou les mots d’ordre des partis. «Le panel citoyen ne remplacera pas les autorités démocratiquement élues, mais il peut être un complément», souligne le politologue.

 

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Des projets qui naissent aux quatre coins de la Suisse

Les résultats de son projet sédunois n’étaient pas encore présentés que Nenad Stojanovic a déjà commencé une autre expérience, à Genève. Le Département du territoire a confié la mise en œuvre de son Forum citoyen à l’équipe du projet Demoscan. Composé de 30 personnes tirées au sort, ce forum est appelé à plancher sur le développement urbain face aux changements climatiques. Il se réunit ce jeudi pour la première fois.

 

Le politologue compte également répéter l’expérience sédunoise dans une autre commune, en vue, espère-t-il, de la votation sur l’initiative populaire «Oui à l’interdiction de se dissimuler le visage», qui devrait être soumise au vote en mars prochain. «Nous voulons une commune bilingue afin d’étudier si ce particularisme change la donne», note Nenad Stojanovic. La ville de Bienne était sur les rangs, mais a dû décliner. En revanche, la capitale du Seeland a fait part de son intérêt pour la démarche dans le cadre d’une future votation communale.

 

D’autres projets sont sur les rails à Zurich, où les autorités cantonales veulent organiser des assemblées citoyennes, tirées au sort, au sujet des défis du changement climatique; en Argovie ou à Genève, où les chancelleries cantonales ont fait part de leur volonté d’organiser une expérience Demoscan; à Nyon, où une proposition a été faite en vue de la création d’un Conseil consultatif tiré au sort et chargé d’accompagner le législatif dans ses travaux; ou encore en Valais, où plusieurs membres de l’Assemblée constituante, chargée de réécrire la Constitution cantonale, ont manifesté leur intérêt à intégrer le tirage au sort dans leurs travaux.

 

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Les femmes plus nombreuses à s’intéresser à la démarche

Dans l’idéal, Nenad Stojanovic souhaiterait voir cette démocratie participative, qu’il considère comme un «enrichissement pour la démocratie helvétique», éclore à tous les échelons de la politique suisse. «Cette méthode permet à de nombreuses personnes de s’intéresser à la politique différemment», appuie-t-il. C’est le cas notamment des femmes, qui, si elles peinent à s’engager en politique, sont majoritaires à répondre aux appels du projet Demoscan. «Ce constat fait à Sion s’est confirmé à Genève, indique le politologue. Notre hypothèse est que la politique de confrontation, comme on la voit dans les parlements, engendre un désintérêt de certaines catégories de la population, alors que celle de dialogue, comme c’est le cas avec notre projet, attire les catégories sous-représentées en politique.»