2 mars 2017

Comment former une équipe gagnante

Pour être efficace et productive, une équipe de travail doit être suffisamment petite pour être nourrie avec deux pizzas, mais aussi capable d’adapter sa structure aux circonstances et posséder un entraîneur de talent. Explications

Lorsque des entreprises telles que Toyota ou Volvo ont introduit au début des années 1970 le principe du fonctionnement par équipes, l’initiative a fait grand bruit. Aujourd’hui, c’est l’inverse qui se produit: qu’une organisation n’ait pas recours à une certaine forme de travail en équipe et elle est aussitôt montrée du doigt.
Comment expliquer que les équipes soient devenues si populaires dans le monde du management? «Il est prouvé qu’en termes de performance, elles l’emportent sur les individus isolés dès lors que les tâches requièrent une variété de compétences, de perspectives et d’expériences», répondent Stephen Robbins, David DeCenzo, Mary Coulter et Charles-Clemens Rüling dans Management, l’essentiel des concepts et pratiques (Ed. Pearson). André Navarro, ancien président de l’entreprise chilienne Sonda, soutient la même idée. «Faire cavalier seul n’est plus possible. Le monde est trop compliqué pour qu’une personne seule mène à bien une invention. Il faut se mettre à plusieurs, de disciplines différentes, pour travailler ensemble en même temps.»


Reste que toutes les équipes ne sont pas gagnantes. «On ne peut pas simplement regrouper quelques individus, même talentueux, et s’attendre à ce qu’ils fonctionnent brillamment», indique Dale Carnegie dans Comment trouver le leader en vous. Quelle est la clé du succès?


La philosophie des deux pizzas
Pour Jeff Bezos, une équipe productive et collaborative est composée d’un maximum de sept personnes. Le président-directeur général et fondateur d’Amazon utilise la philosophie des «deux pizzas»: une équipe doit être suffisamment petite pour être nourrie avec deux pizzas, ce qui limite généralement les groupes à cinq ou sept personnes, en fonction de l’appétit des membres.


Il existe une bonne raison à cette règle amusante. Stephen Robbins, David DeCenzo, Mary Coulter et Charles-Clemens Rüling, expliquent en effet que plus les groupes sont importants, et plus la participation individuelle tend à diminuer. En cause? La dispersion des responsabilités qui permet à chacun de se relâcher et qui donne lieu à un comportement que les experts qualifient de paresse sociale (ou social loafing). «Lorsque les résultats du groupe ne peuvent être attribués à une seule personne, la relation entre la contribution de tous et ce qu’il en ressort est floue. Dans ce cas, les membres peuvent être tentés de se transformer en «parasites», réduisant notablement leur contribution individuelle et profitant des efforts collectifs.» Autrement dit, l’efficacité diminue lorsque des personnes pensent que leurs efforts ne sont pas quantifiables.


C’est la raison pour laquelle les experts conseillent aux managers de trouver la manière d’identifier clairement les efforts de chacun. Ce conseil reste valable pour les petites équipes. «Si la productivité d’un groupe de quatre est supérieure à celle d’un trio, chaque membre est personnellement moins productif dans le premier cas. Le rendement du quatuor n’équivaut donc pas à quatre fois celui de chaque personne.»


Adapter la structure du groupe aux circonstances
Une équipe efficace a aussi besoin d’un leadership qui adapte la structure du groupe à ses tâches et aux circonstances. Lee G. Bolman et Terrence E. Deal rappellent dans l’ouvrage Dans la tête des grands leaders (Ed. Maxima), que si des tâches simples s’accommodent d’une structure simple – des rôles clairement définis et une coordination imposée – la donne change en présence de projets plus complexes. Ceux-ci requièrent en effet une structure plus sophistiquée, à savoir des rôles flexibles, des échanges entre les acteurs, une coordination nourrie par la communication latérale et un partage de l’information. Enfin, lorsque la situation est exceptionnelle et soumise à la pression des événements, notamment en termes de temps, c’est souvent le retour à un modèle fondé sur une autorité centrale qui fonctionne le mieux, sans quoi les groupes peuvent ne pas décider assez rapidement.


A cet égard, Lee G. Bolman et Terrence E. Deal citent l’exemple d’une unité de l’armée américaine qui détient un record particulier: au cours de la Seconde Guerre mondiale, cette unité a accompli toutes ses missions, y compris les plus dangereuses, en ne déplorant qu’un nombre remarquablement faible de blessés et de tués. «Des chercheurs ont conclu que cette réussite n’était pas le fait d’un entraînement particulier ni d’un talent spécifique. Mais cette unité était particulièrement habile à reconfigurer sa structure de fonctionnement pour l’adapter aux différentes situations qu’elle devait affronter.»


Dans la préparation de ses missions, elle fonctionnait en effet comme un groupe de designers créatifs: chacun des membres de l’équipe pouvait proposer ses idées et ses suggestions. Les plans de bataille reprenaient par la suite les meilleures idées du groupe, étant précisé que les décisions étaient consensuelles et la stratégie arrêtée approuvée par tous. Une fois le plan établi, lors de la phase d’exécution, «la structure de l’unité se transformait. L’association informelle de lanceurs d’idée devenait une chaîne de commandement très contrôlée. Chaque homme avait une mission très spécifique, qu’il devait accomplir selon un timing précis.» Autrement dit, au combat, l’unité s’en remettait à la structure militaire traditionnelle: des responsabilités claires, des décisions prises au sommet. La capacité de ce groupe à adapter sa structure lui a permis de bénéficier des avantages opposés des deux systèmes et est très certainement à l’origine de ses résultats sans précédent.


Un entraîneur de talent
Enfin, les équipes gagnantes sont celles qui possèdent un entraîneur de talent. Ce dernier veille notamment à ce que chaque équipier sache ce qu’il doit faire et dispose des compétences et des ressources pour réussir. Il partage les honneurs et accepte les blâmes. Il parle à la première personne du pluriel – le travail qui nous attend…, notre date limite…, nous avons besoin de…, etc. – et souligne toujours à quel point compte la contribution de chacun. Enfin, il s’occupe individuellement de chaque membre de l’équipe. Autrement dit, il comprend ce qui motive spécifiquement chaque collaborateur et met en œuvre des pratiques de management adaptées, qui correspondent aux attentes et aux besoins réels de ces derniers.